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Connecté es sur les réseaux sociaux et plateformes multijoueur, les garçons et les filles ont-ils et elles une expérience identique ? C'est la question à laquelle l'enquête Chill&Play se propose de répondre. Elle révèle les inégalités et usages toxiques qui se nichent dans leurs loisirs numériques, mais aussi les opportunités éducatives et défis à relever pour que chacun e jouisse des mêmes droits une fois < en ligne ».
Chaque membre du collectif Witch Gamez a traîné sa souris et ses manettes dans les endroits les plus reculés du web, dans les chats vocaux de jeux multijoueur les plus hostiles, squatté les chaînes Twitch de niche et les plus populaires, cherché la Schtroumpfette1 pendant des heures sur YouTube… Et le résultat est pour le moins mitigé : sur Internet, les femmes risquent de croiser la violence à chaque clic.
Si notre société est sexiste, elle l’est encore plus en ligne tant pour les jeunes que pour les adultes.
L’espace numérique n’est pas un univers parallèle, dénué de tout lien avec la vie physique. Internet, c’est la vraie vie. Les discriminations sexistes, racistes, LGBTphobes et validistes ont des répercussions bien réelles sur nos vies. Comme quoi, les systèmes de domination se reproduisent également par WiFi et s’amplifient.
Le harcèlement des femmes est décuplé en ligne, peu importe leur domaine d’activité, il est même systématique dans les jeux multijoueur, et rien n’existe comme stratégie concertée de prévention, d’éducation, de santé publique pour enrayer le phénomène. Aucun organe de régulation ne s’empare de ces enjeux. La législation est inadaptée et il est presque impossible pour les victimes de se saisir de la justice.
On fête les 10 ans de la loi belge contre le sexisme, mais rares sont les plaintes qui aboutissent à une condamnation. Les pouvoirs publics ont encore du mal à considérer qu’Internet soit un espace public et que, de facto, doivent s’y appliquer les lois de notre pays. On attend que les pays européens adoptent le Digital Service Act qui réglemente les services numériques sans espérer de réel changement concret sur nos terrains de jeu sans frontières. Certain·es politicien·nes prennent doucement conscience que la pratique du jeu vidéo n’est pas qu’un loisir d’enfant, de jeune garçon ou de geek asocial. Les rares initiatives d’éducation au média vidéoludique sont souvent peu inclusives, et plus orientées vers l’acquisition de compétences techniques que vers le développement d’un regard critique sur les pratiques et les représentations véhiculées. Des parents et professeur·es ouvrent grand les yeux quand on leur explique l’intérêt que les jeunes ont pour la pratique du streaming. La méconnaissance des pratiques liées aux loisirs en ligne n’aide pas à l’élaboration d’initiatives adaptées.
Il nous faudrait des chiffres, des enquêtes, des études, des financements conséquents à hauteur de l’urgence et des enjeux, une politique publique volontaire et explicite sur les questions de sexisme en ligne et spécifiquement dans la culture vidéoludique.
Car le jeu vidéo est le premier média de divertissement au monde en termes de chiffre d’affaires. Loin devant le cinéma et la musique réunis. Si on interdisait l’accès des femmes aux salles de concert et de cinéma, cela créerait l’indignation générale. C’est pourtant précisément ce qui se passe dans les espaces de jeux multijoueur. Ces dynamiques qui sont parfois ouvertement masculinistes percolent sur les réseaux sociaux et sapent petit à petit l’accès des femmes au débat public et aux loisirs. Depuis le #Gamergate en 2014, les communautés masculinistes participent à réduire les femmes et les minorités au silence. Ces mouvements organisésde cyberharcèlement sexiste ont des implications qui dépassent largement le secteur du jeu vidéo car ils participent à la libération d’une parole décomplexée promouvant des idéologies d’extrême droite sur les réseaux sociaux.
Nous considérons donc l’espace numérique comme un espace de lutte qu’il faut à tout prix nous réapproprier. Nous jouons donc ensemble pour perturber l’hégémonie patriarcale installée dans la pratique des loisirs. Pour subvertir les règles du jeu, nous infiltrons le game. Pour transformer la culture du jeu vidéo, nous montrons qu’il existe d’autres façons de jouer, plus inclusives et émancipatrices. En tant que féministes, nous créons des espaces de résistance à la domination. Nous nous organisons et nous agissons.
Aux citoyen·nes, aux politiques, aux parents, aux professionnel·les de l’éducation, aux organes de régulation, aux grandes plateformes, aux concepteur·ices de jeux vidéo, aux médias, aux journalistes, aux associations… à elles et à eux de faire leur part.
Witch Gamez asbl,
Collectif de lutte contre le sexisme
dans la pratique du jeu vidéo
Éditeur responsable : Paul de Theux – Média Animation
Graphisme et mise en page : Elise Vanhecke
Illustrations : hadh.fr et witchgamez.com
2024
https://media-animation.be/IMG/pdf/20240529_chill_play-int-web.pdf